TEXTILES TECHNIQUES

TEXTILES TECHNIQUES
TEXTILES TECHNIQUES

Textiles techniques

Derniers-nés de la grande famille des textiles, les textiles techniques sont désormais utilisés dans de multiples domaines. À l’image des industries nouvelles en cours de structuration, une définition et une appréhension homogènes et communément acceptées n’existent pas. Néanmoins, l’idée forte est que, au-delà des débouchés dans l’habillement et l’ameublement, dépendant des aléas de la mode, se situe l’activité des textiles techniques. Dans cette perspective, les textiles techniques se définissent comme des matériaux qui répondent à des exigences technico-qualitatives élevées, à savoir de hautes performances mécaniques, thermiques, durables, leur permettant de s’adapter à une fonction technique. Ainsi, les textiles techniques s’intègrent dans les projets industriels les plus avancés de ce siècle: la conquête de l’espace, la découverte médicale, l’industrie automobile, etc. La caractéristique primordiale de l’industrie des textiles techniques est sa complexité. La variété de produits et d’applications est prodigieuse: depuis les fibres de hautes performances en passant par les étoffes complexes de trois dimensions pour la réalisation des matériaux composites jusqu’aux prothèses ligamentaires et vasculaires ou encore aux airbags . Les textiles techniques sont élaborés de manière plus ou moins complexe, réalisés en grande série ou à l’unité. Dans tous les cas, leur richesse est le résultat de multiples combinaisons envisageables entre trois éléments: la matière première (les fibres textiles), la technologie de transformation (les métiers du textile) et le savoir-faire des industriels.

Une filière de production complexe

La combinaison à l’infini des fibres pour en faire des surfaces, des volumes, selon des techniques et un savoir-faire diversifiés, sur la base d’armures simples ou complexes donne aux textiles techniques une capacité à répondre de façon performante aux besoins des secteurs utilisateurs. Dans cette perspective, l’industrie des textiles techniques élabore différents matériaux de types monodirectionnel (crins, filaments, câbles et cordages), bidimensionnel (tissus, tricots, non-tissés, rubans et tresses) ou tridimensionnel (tissus 3 D, feutres, étoffes contrecollées, etc.).

Cet énorme potentiel de transformation de la fibre au produit fini est mis en lumière par l’intermédiaire de la filière de production.

Les fibres à usages techniques comme l’ensemble des fibres sont classées en fibres naturelles et en fibres chimiques (artificielles et synthétiques). Les fibres chimiques se composent de deux familles: les fibres organiques (les polyamides, les polyesters, les aramides, etc.) et les fibres inorganiques (le verre, le carbone, les céramiques, etc.).

La technologie de filature de fibres courtes ou longues permet d’obtenir des fils et d’optimiser leurs caractéristiques finales (grosseur, composition). Les fils techniques ainsi obtenus ont des propriétés spécifiques de hautes performances associées à la souplesse textile et à leur faible densité. Ils peuvent constituer des matériaux compétitifs en termes de performance et de coût.

La faible masse volumique (densité) des fibres permet leur utilisation dans des secteurs où le gain de poids est recherché. Lorsque la performance mécanique des fibres est rapportée à la masse volumique, ces fibres deviennent plus performantes que les matériaux traditionnels.

Les fibres chimiques présentent aussi une excellente tenue en température, ce qui leur permet d’être utilisées pour la réalisation de vêtements de protection et de matériaux contre le feu et sa propagation. Par ailleurs, des fibres céramiques sont utilisées pour résister à des températures supérieures à 1 000 0C, et elles permettent l’élaboration de matériaux structuraux dans le domaine de l’aéronautique ou pour des séparateurs flexibles dans les fours industriels, par exemple.

En fonction des propriétés électriques, les fibres se classent dans la catégorie des conducteurs ou des isolants, ou bien encore dans celle des semi-conducteurs. L’adaptation potentielle de la résistivité permet d’utiliser ces matériaux dans les domaines de la protection contre les ondes électromagnétiques, de l’élimination de l’électricité statique ou de l’isolation électrique. De surcroît, de nouvelles expériences, telles la discrétion radar, la furtivité des avions ou la transparence des radômes pour les radars de navigation, ont fait progresser l’utilisation des fibres de quartz et de polyéthylène.

Les autres propriétés des fibres chimiques, telles l’inertie ou la réactivité chimique vis-à-vis des solvants, des acides, des bases ou de l’eau, sont aussi déterminantes, suivant les fonctions que l’on en attend. Par exemple, un vêtement de protection dans l’industrie chimique exigera des matériaux inertes à base de polyoléfine.

Les technologies de croisement de fils sont très anciennes. Tissage, tricotage, tressage et non-tissé donnent cependant lieu à des architectures textiles tout à fait innovantes. L’adaptation de ces technologies aux nouvelles fibres de hautes performances a généré d’autres types de formes textiles: les textiles à double paroi, les textiles à n dimensions.

Au stade final du processus de fabrication, les textiles techniques peuvent subir des traitements spécifiques afin de leur conférer des caractéristiques supplémentaires. C’est, par exemple, grâce aux technologies d’enduction, de complexage ou de greffage chimique que sont élaborées les membranes imperméables et respirantes pour les vêtements isothermes et les architectures tensibles.

Une irréversible croissance des textiles techniques

Les dernières évolutions de la consommation de fibres dans les pays industrialisés pour les trois débouchés textiles confirment l’importance croissante des textiles techniques. Bon nombre d’experts confirment cette tendance et estiment que, d’ici à l’an 2000, 50 p. 100 de la production textile des pays industrialisés correspondront à des applications techniques. Le développement spectaculaire des textiles techniques est le fait de la stratégie des régions industrialisées comme l’Europe, les États-Unis et le Japon. Berceau de l’industrie textile, ceux-ci ont su redéployer leur activité vers ces nouvelles technologies afin de résister à la pression de la concurrence internationale, en l’occurrence celle des nouveaux producteurs textiles de l’Asie du Sud-Est.

Le taux de croissance annuel moyen (en poids de fibres consommées) des textiles techniques, entre 1985 et 1990, s’élève à 7,2 p. 100, taux largement supérieur à celui des textiles de l’habillement (1,2 p. 100).

Aujourd’hui, les textiles techniques représentent 22 p. 100 de la consommation totale de fibres en Europe, soit 1 million de tonnes de fibres consommées. La marge de progression de cette industrie en Europe est importante par rapport aux situations américaine et japonaise. La consommation des fibres destinées aux textiles techniques s’élève à 1,9 million de tonnes aux États-Unis et à 750 000 tonnes au Japon, soit, respectivement, 28 p. 100 et 38 p. 100 de la consommation totale de fibres.

Avec 220 000 tonnes de fibres consommées, la France occupe la deuxième place européenne, derrière l’Allemagne. En nombre d’entreprises spécialisées, la France est à la première position, avec 300 entreprises; ce sont, en général, des petites et moyennes entreprises (P.M.E.). Plus de 50 p. 100 d’entre elles emploient moins de 100 personnes. Souvent issues d’une tradition familiale textile, ces P.M.E. sont souvent spécialisées dans des marchés très pointus; elles ont su tirer leur épingle du jeu en se diversifiant et en innovant. La force des entreprises françaises est d’être présentes sur toute la filière des textiles techniques. La France détient le leadership dans le domaine de l’imprégnation de tissus à base de carbone, d’aramide et de verre destinés aux composites avancés pour l’aéronautique (Brochier, Hexcel, Cotton). Avec un taux de croissance annuel de 7 p. 100, la filature de fibres techniques de hautes performances, avec des entreprises comme Schappe Techniques et Paul Bonte, s’affirme être une spécialité française.

Le rôle majeur de la soierie lyonnaise et l’industrie de la chimie

À la fin du XIXe siècle, le savoir est passé de la technique empirique à la science. Dans ce cadre, l’extension des connaissances scientifiques a permis la découverte des fibres artificielles d’abord et synthétiques ensuite, qui n’ont cessé de faire reculer les limites des applications des textiles techniques. C’est l’industrie de la soierie lyonnaise qui, grâce à son savoir-faire relatif au travail des fils continus, a initié, après la Seconde Guerre mondiale, la transformation des nouvelles fibres.

L’apparition des fibres artificielles provient manifestement du désir de copier la nature et, en l’occurrence, la soie. Le ver à soie est, à lui seul, une industrie miniaturisée. Il se nourrit de la feuille du mûrier, c’est-à-dire de cellulose, que son organisme perfectionné transforme en un produit visqueux. Ce dernier, passant à travers une “bouche”, véritable filière percée d’un trou, devient filament de soie qui durcit instantanément à l’air.

De nombreux chercheurs ont procédé par analogie afin de créer la soie artificielle. Cependant, après de nombreux efforts, le véritable inventeur de la soie artificielle, ou rayonne, est le comte Hilaire de Chardonnet (1880). La première application de la rayonne est technique. En effet, à la même époque, dans le domaine de la fabrication de la lampe à incandescence, l’Allemand Goebel et l’Américain Edison utilisaient comme filament à incandescence une fibre de bambou carbonisée; cette dernière, ayant de mauvaises caractéristiques, est délaissée au profit d’un filament de rayonne carbonisée. Utilisée pour ses propriétés techniques, la première fibre de carbone était née.

C’est au développement scientifique de la chimie macromoléculaire que l’on doit la révolution des textiles techniques. Pénétrant les secrets de la matière, les chimistes sont à même de créer et de choisir d’avance les propriétés des fibres qu’ils élaborent. Les types de fibres sont peu nombreux, mais les variantes, leur mélange et leur transformation sont quasi infinis. Le polyamide-6,6, découvert par W. H. Carothers, de la compagnie américaine Du Pont de Nemours (dépôt de brevet en 1931), et commercialisé sous le nom de Nylon, est la plus connue. Par la suite, les progrès de la recherche ont favorisé la mise au point de nouvelles générations de fibres techniques: 1940, la fibre de verre; 1950, les fibres organiques de haute ténacité telles que le polyamide et le polyester de haute ténacité; 1960, les fibres thermostables de type Nomex; 1970, la fibre para-aramide (le Kevlar); 1980, la fibre de carbure de silicium; 1990, la fibre de polyéthylène de haute ténacité.

Le stade ultime de cette évolution, à l’image des alliages en métallurgie, est la réalisation d’une fibre ou d’un mélange de fibres présentant une qualité et des propriétés optimales et adaptées aux spécificités de l’application visée.

Une grande variété d’applications

L’ensemble des secteurs économiques consomment directement ou indirectement des textiles techniques. Bien sûr, une série de réalisations spectaculaires — le nez du Concorde conçu en matériaux composites et renforcé en fibres de verre par la société Brochier, de Lyon; ou les joints textiles intertuiles, développés par l’Institut textile de France (Lyon) pour la navette européenne Hermes —, occupent le devant de la scène. Néanmoins, tous les jours, chacun côtoie des textiles techniques.

Avec 28 p. 100 du marché des textiles techniques, les applications industrielles ne cessent de se développer. Ces matériaux sont soit utilisés dans les procédés de fabrication comme les feutres de papeterie ou les bandes transporteuses, soit sous forme de vêtements de protection contre les agressions. Les feutres de papeterie sont indispensables pour la fabrication du papier. Des industriels français, comme Binet Feutres (Annonay en Ardèche), proposent des produits innovants; la société Kermel (Lyon) produit la fibre aramide française du même nom, utilisée pour la réalisation des vêtements antifeu des sapeurs-pompiers et des combinaisons des pilotes de formule 1.

Les textiles trouvent dans le domaine de l’agriculture des utilisations multiples. L’agriculture, en pleine mutation, fait appel à des techniques de production sophistiquées; les matériaux textiles y représentent 20 p. 100 des applications. Les agrotextiles, c’est-à-dire les bâches à plat non tissées ayant une masse surfacique entre 15 et 60 grammes par mètre carré, couvrent 25 p. 100 des surfaces des cultures de plein champ. Ils répondent aux nouveaux besoins écologiques et de productivité des agriculteurs en termes de protection contre les rongeurs, les insectes, les risques climatiques.

Innovation toujours, concernant la protection des forêts, la Société ariégeoise de bonneterie a développé un filet pour bloquer la propagation des incendies. Ce tricot est fabriqué à base de fibres aramides préoxydées. Les défis médicaux, avec, entre autres, les biomatériaux, l’obsession de la décontamination et les besoins en textile-barrière pour les champs opératoires, ont permis un rapide développement des textiles techniques. Aujourd’hui, la quantité moyenne de textiles utilisée par lit et par jour correspond à 2,2 kilogrammes. La société Thuasne (Saint-Étienne) propose des articles médicaux de contention adaptés aux besoins des malades. Tournier Bottu (de Fontaines-sur-Saône) a récemment mis au point un bonnet couvre-moignon élasto-compressif. La société Rhovyl (Tronville-en-Barrois dans la Meuse) développe une nouvelle fibre, la biochlorofibre, qui possède des propriétés antibactériennes; elle peut être employée partout où une protection antimicrobienne est recherchée et dans les lieux sollicités par les bactéries, les moisissures et les odeurs.

Dans le domaine du bâtiment et du génie civil, la révolution la plus récente et la plus spectaculaire est le fait de l’architecture textile: l’ère des tentes en toile, qui, de tout temps, ont servi d’abris aux hommes, est révolue. Une nouvelle génération de textiles techniques reposant à la fois sur le savoir-faire et la technologie du tissage et de l’enduction des fibres synthétiques a donné naissance à la construction métallo-textile. Qu’elles soient gonflables, tendues ou portées, ces structures textiles donnent aux architectes des perspectives de création audacieuses. La société Ferrari (La Tour-du-Pin dans l’Isère) a développé et breveté un textile “précontraint” pour ce type d’application. Un des projets les plus remarquables réalisés à l’aide des nouvelles technologies métallo-textiles est sans doute la couverture des arènes de Nîmes.

Le sport ne saurait se passer de textiles techniques. Les nouvelles générations de cordes, conçues par des sociétés comme Beal (Vienne dans l’Isère) ou Cousin Frères (Wervicq dans le Nord), permettent aux alpinistes et aux spéléologues d’améliorer considérablement leur sécurité. La tenue du champion olympique du kilomètre lancé à skis, les voiles du bateau français de l’America’s Cup, les clubs de golf, etc., sont tous réalisés avec des matériaux qui font appel aux textiles techniques.

Le monde de l’informatique et de l’électronique consomme des circuits imprimés élaborés en matériaux composites renforcés de fibres de verre. Vetrotex (Chambéry en Savoie), premier producteur européen de fibres de verre, et Porcher Textile (Lyon), spécialiste du tissage de verre pour les applications électroniques, fournissent ce marché. Par ailleurs, les vêtements de protection utilisés en salle blanche protègent les composants électroniques en cours de fabrication contre les millions de particules émises par l’homme.

L’avenir des textiles techniques

Une nouvelle génération de matériaux fonctionnels est née récemment grâce à la technologie du greffage chimique. Cette technologie, développée par les équipes de chercheurs de l’Institut textile de France, permet de conférer des fonctionnalités nouvelles et permanentes aux matériaux textiles. Création de fonctions antiseptiques, échanges d’ions hydrophobes, etc., permettent d’envisager les textiles comme des matériaux détenteurs d’une expertise. Ces textiles fonctionnels nous font entrer de plain-pied dans l’ère des matériaux intelligents.

Pour satisfaire et anticiper les besoins en produits et les débouchés nouveaux, un énorme effort en matière de recherche et développement est nécessaire. Les entreprises ont bien perçu l’enjeu de la recherche, dans un environnement où la concurrence se fait de plus en plus forte. Les grandes entreprises du secteur ont intégré un département de recherche. Les P.M.E., en revanche, font appel, entre autres, à l’Institut textile de France, centre technique industriel, seul outil collectif de recherche qui développe des programmes spécifiques et ambitieux dans le domaine des textiles techniques et fonctionnels.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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